18e Congrès chinois : une partie jouée d’avance ?

9 Novembre 2012



Hier s’est ouvert le 18e Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC), grand-messe politique qui doit déterminer qui dirigera 1,3 milliard de Chinois pendant les dix prochaines années. Un Congrès qui s’annonce sans surprise mais sous haute tension. Bilan des cartes en jeu.


Une partie complexe : Hu Jintao, Xi Jinping le prince favori et Bo Xilai le prince déchu.
Une partie complexe : Hu Jintao, Xi Jinping le prince favori et Bo Xilai le prince déchu.
C’est sans surprise que devrait être annoncée la nomination de Xi Jinping (prononcez Shi Djinping) à la direction du PCC et donc de la République Populaire de Chine à l’issue de ce 18e Congrès. Le Congrès ne fait qu’entériner une décision prise il y a cinq ans au 17e Congrès lorsque Xi Jinping a été nommé vice-président d’Hu Jintao. La « cinquième génération », tel qu’on désigne les changements politiques en Chine depuis Mao, va donc prendre le pouvoir. Xi Jinping est un « prince rouge », un fils d’un ancien compagnon de route de Mao qui contribue à la dynastisation du pouvoir communiste. Un paradoxe réside pourtant dans ce Congrès : son déroulement et les décisions à prendre sont aussi opaques que le nom du prochain élu est clair pour tous. En somme, l’exact opposé de la récente élection américaine.

Un Congrès mystérieux

Annoncé à coup de clairon et de propagande, le 18e Congrès se déroulera comme à son habitude dans le mystère le plus complet. Si l’issue de l’élection est connue d’avance, rien ne doit transpirer de la nature des débats qui animeront les 2270 délégués rassemblés. Tout ce qui touche aux affaires de direction du Parti est marqué du sceau du secret et de l’opacité. La date même du Congrès n’était pas connue jusqu’à il y a un mois. Le programme, les idées de réformes du favori sont inconnus de tous. Celui-ci a disparu de la scène politique au mois de septembre, alimentant les plus folles rumeurs sur Weibo et Renren (Twitter et Facebook chinois) sans aucune explication ni démenti de la part du Parti.

A l’approche de la grand-messe politique c’est une véritable fièvre paranoïaque qui s’est emparée des dirigeants. Le vol des pigeons domestiques et la vente de couteaux mais aussi de jouets télécommandés sont interdits à Pékin pendant toute la durée du Congrès. Les autorités craignent un vent contestataire à cette occasion. Une peur irrationnelle qui en dit long sur la confiance du Parti envers la population, mais aussi sur son état de faiblesse. Ce ne sont pas les troubles qui manquent au sein du comité central en ce moment pour alimenter les discussions du Congrès, et le gouvernement est sous tension.

L’assemblée des 2270 délégués du 18e Congrès du PCC. REUTERS/Carlos Barria
L’assemblée des 2270 délégués du 18e Congrès du PCC. REUTERS/Carlos Barria

Les bêtes noires du Congrès

À la veille du renouvellement du bureau politique, les scandales et les contestations entachent le régime.

Les luttes internes. D'abord, l’affaire Bo Xilai qui a eu un retentissement mondial sans qu’on en connaisse exactement les tenants et les aboutissants. Un autre « prince rouge » devenu la bête noire du Parti. Concurrent de Xi porté par les « néo-maoistes », il s’apprêtait à entrer au comité central du Parti (constitué de 9 membres : l’institution la plus haute après celle de Président du Parti, la dernière marche du pouvoir). Mais cette année, sa femme a été condamnée pour le meurtre d’un homme d’affaires britannique, l’affaire a été couverte par la presse internationale. C’est désormais un homme déchu, accusé d’avoir voulu étouffer l’affaire et d’avoir mis sur écoute plusieurs dirigeants politiques. L’affaire Bo Xilai a secoué le régime pointant du doigt la corruption et les tensions politiques au sein du parti. Certains observateurs n’excluent pas que Bo Xilai ait été mis hors d’état de nuire pour des raisons politiques, les motifs de sa disgrâce n‘ayant pas été clairement annoncés. Ce scandale met en exergue la violente lutte interne au Parti. Derrière le Parti unique et l’apparente uniformité, il y a la lutte des clans, ou des lignes, entre les modérés et les conservateurs, entre les princes rouges et les autres qui mobilisent, et paralysent, tous les échelons du parti.

La corruption. Le New York Times a enfoncé le clou en révélant en octobre la fortune de la famille de Wen Jiabao, l’actuel Premier ministre. Surnommé « Grand-père Wen » par les média chinois en raison de son engagement auprès des plus démunis, il avait pris position contre la corruption au sein du Parti et surtout contre l’enrichissement de l’entourage des dirigeants dû à leurs privilèges. Il montre maintenant le fier exemple. Cette révélation a été portée en diffamation par le gouvernement chinois. La corruption et son combat seront vraisemblablement le sujet majeur du Congrès.

L’impopularité. Autre tracas pour le régime : le mécontentement qui gronde dans les campagnes. Pas un jour ne passe sans une révolte paysanne localisée. Les grands chantiers voulus par le régime (autoroutes, dérivations fluviales…) se font constamment au détriment des terres cultivées. Les paysans sont abandonnés à leur sort alors que l’Etat ne parvient toujours pas à endiguer l’exode rural. La popularité du PCC est au plus bas.

Deux candidats, deux super-puissances. (© AFP PHOTO/XINHUA/LAN HONGGUANG)
Deux candidats, deux super-puissances. (© AFP PHOTO/XINHUA/LAN HONGGUANG)
De nombreux défis attendent Xi Jinping à l’issue de ce congrès. Face aux crises que traversent la Chine et le PPC, Xi Jinping incarne le consensus entre les lignes, même s’il est en concurrence avec son futur Premier ministre Li Keqiang, appuyé par Hu Jintao. Il est présenté comme un dirigeant intègre et ouvert à la discussion. Sera-t-il le réformateur dont la Chine a besoin ? Beaucoup l’espèrent, peu y croient vraiment. Le Congrès doit discuter de la ligne à tenir les cinq à dix prochaines années. Ainsi, la partie se joue-t-elle a couvert, et si les atouts ont été annoncés, la partie est loin d’être gagnée.

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Manon Duret
Rédactrice pour le Journal International, passionnée d'histoires et de géographie, je suis... En savoir plus sur cet auteur